Saturday, November 9, 2013

Frais de port et prix unique du livre

Il semble que le masque soit tombé pour ce qui est de la justification du prix unique du livre: fini le temps où on essayait de défendre cette politique par un soutien à la création ou autre vague objectif culturel. Le Monde reconnaît maintenant qu'il s'agit simplement de soutenir le petit (?) commerce, en l’occurrence les librairies. Et cela même si cela doit en coûter aux consommateurs. Après tout, si ce qui intéresse le législateur est l'accès de tous à la culture, on voit mal comment reprocher aux plateformes d'e-commerce (Amazon, FNAC ou autres) d'être disponibles partout sur le territoire (grâce au service universel de La Poste!) et de pratiquer les prix les plus faibles.

A quand le prix unique des pièces de rechange de vélo, pour soutenir les vendeurs spécialisés de proximité qui sont mis en pièces ( ;-) par les plateformes d'e-commerce?



Prix du livre : droite et gauche unies pour défendre les libraires face à Amazon

LE MONDE |  • Mis à jour le  |Par 
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La gratuité des frais de port, composante importante de la stratégie d'Amazon, coûte 5,1 milliards de dollars (3,7 milliards d'euros) au niveau mondial au géant américain, selon le SLF.

La défense de la librairie est un des rares sujets qui fasse consensus sur les bancs de l'Assemblée nationale, entre élus de droite et de gauche. Jeudi 3 octobre, les députés ont adopté une proposition de loi de Christian Jacob (UMP, Seine-et Marne), Christian Kert (UMP, Bouche-du-Rhône) et Hervé Gaymard (UMP, Savoie), qui modernise la loi dite Lang sur le prix unique du livre, adoptée en 1981.

Cette proposition de loi vise à ne pas intégrer les frais de port dans le prix des ouvrages. Au final, les députés ont adopté un amendement qui prévoit qu'à l'avenir les acteurs du commerce du livre ne pourront pas cumuler le rabais autorisé de 5 % sur la vente des livres neufs et la gratuité des frais de port. Actuellement, seules les entreprises Amazon et la Fnac pratiquent cette double réduction pour la vente en ligne de livres.
Jusqu'en début de soirée, mercredi 2 octobre, à la veille du débat en séance, les tractations se sont poursuivies entre le gouvernement et le rapporteur UMP du texte, Christian Kert. "Le gouvernement est emmerdé depuis le début, car ils sont d'accord sur le texte", raillait-on du côté du groupe UMP à l'Assemblée nationale. Pour autant pas question pour lui de voter telle quelle une proposition de loi de l'opposition. De fait, lors du débat en commission, le 18 septembre, celle-ci avait inhabituellement décidé "de ne pas présenter de conclusions", espérant trouver une voie de compromis avant l'examen en séance. C'est chose faite : le gouvernement a donc présenté l'amendement qui empêche l'abattement de 5 % si les frais de port sont gratuits.
"COMPORTEMENTS PRÉDATEURS"
Si, côté majorité, l'on veut croire que cet amendement du gouvernement "réécrit tout le texte ", M. Kert assure que l'objectif reste le même : "Faire en sorte que le prix du livre vendu en ligne soit plus élevé que celui vendu par le détaillant en librairie indépendante." Et c'est la raison pour laquelle il indiquait au Monde, mercredi, qu'il voterait cet amendement. Non sans avoir préalablement défendu le sien qui "verrouillait beaucoup mieux le dispositif", dit-il.
Du côté du gouvernement, on explique surtout que l'intérêt de ce texte est "delimiter les comportements prédateurs". Aujourd'hui, le commerce en ligne de livres s'est imposé comme le troisième réseau commercial derrière les librairies indépendantes et les grandes surfaces culturelles, qui font jeu égal à 23 % de parts de marché. Internet représentait 17 % des ventes de livres de littérature générale en 2012 et Amazon capte à lui seul 70 % de ce marché, loin devant la Fnac et les autres sites marchands.
Pour le chercheur Vincent Chabault, auteur de l'ouvrage Librairies en ligne(Presses de SciencesPo, mai 2013) "le commerce électronique détient 20 % du marché du livre imprimé aujourd'hui et exerce une pression croissante sur les librairies".
De fait, la librairie française n'a pas su prendre en marche le train du Web. Jaloux de leur indépendance, les libraires, fédérés au sein du syndicat de la librairie française (SLF), n'ont jamais réussi à s'entendre pour créer un site commun de vente. Leur seule tentative, le lancement du site 1001 libraires.com en 2011, a été un échec commercial retentissant qui a coûté près de 2 millions d'euros à la profession.
TOUS LES LIBRAIRES PERDENT DE L'ARGENT
Or, aujourd'hui le ticket d'entrée sur Internet est devenu beaucoup trop élevé pour la trésorerie des librairies indépendantes. D'un côté, les grandes librairies de province ont certes créé leur propre site comme Mollat à Bordeaux, Sauramps à Montpellier, ainsi que les groupes comme Gibert à Paris, Decitre àLyon ou le Furet du nord. De l'autre, deux tentatives pour regrouper les énergies individuelles ont vu le jour, celle du collectif Librest, réunissant des libraires de l'est parisien et celle de Charles Kermarec, ex-patron de la librairie Dialogues àBrest qui a lancé le portail les libraires.fr. "Mais, aujourd'hui, tous les libraires perdent de l'argent, quand ils sont sur Internet et dans le même temps, ils ne peuvent pas se permettre de ne pas y être", explique Guillaume Husson, délégué général du SLF.
Si l'actuelle proposition de loi est votée, elle devrait réduire l'avantage concurrentiel d'Amazon et soulager aussi financièrement la Fnac. La gratuité des frais de port, composante importante de la stratégie d'Amazon, coûte 5,1 milliards de dollars (3,7 milliards d'euros) au niveau mondial au géant américain, selon le SLF. Pour le syndicat, cette pratique s'apparente à une stratégie de dumping.
Face à ces accusations, la direction d'Amazon France a réagi, en expliquant qu'elle réalisait "plus de 70 % de ses ventes sur les livres de fond de catalogue" et que, par conséquent, l'entreprise américaine était plus"complémentaire" que "concurrente" de la librairie française, qui vend davantage de nouveautés. Elle a aussi estimé que l'adoption de cette loi, en renchérissant le prix des livres, serait une mauvaise nouvelle pour les consommateurs.

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