Thursday, February 27, 2014

La réforme des taxis en France

Voilà un texte très intéressant sur la réforme des taxis par Jacques Delpla (que j'avoue n'avoir jamais rencontré bien qu'il signe son billet professeur associé à l'EET). J'y apprends notamment les possibilités de fraude (fiscale et sociale) des taxis. Je ne sais pas d'où vient cette estimation que la fraude représenterait la moitié de la valeur des licences.

Et je me souviens avoir lu que les licences pouvaient être jusque 50% plus chères (soit 300 k€) en province qu'à Paris. Cela n'étonnera pas les (in)fortunés qui ont dû prendre un taxi à Toulouse...

Je voudrais insister sur le fait qu'une grande partie des chauffeurs de taxi ne sont pas propriétaires de la licence, mais louent la voiture et/ou l'autorisation de transport. Je ne suis pas certain qu'ils se rendent compte que toute augmentation du nombre de licences se traduirait par une baisse du montant de la location qu'ils doivent payer au propriétaire de la licence.

Si je suis d'accord avec l'auteur sur l'intérêt d'indemniser en partie les propriétaires de licence (ne fut ce que pour favoriser l'acceptation de la mesure), passer par les conditions de retraite des chauffeurs de taxi (pas forcement les propriétaires de la licence) me semble très tortueux.

Pour le reste, je suis d'accord que si même cette réforme ne passe pas, il y a peu d'espoirs de voir d'autres réformes plus difficiles être approuvées. Mais l'expérience du Président précédent me laisse très dubitatif...

Un taxi pour la réforme

Par Jacques Delpla | 20/02 | 06:00 | mis à jour à 09:25 | 12commentaires
La guerre des taxis est repartie. En 1914, les taxis de la Marne… En 2014, l’ennemi, c’est le progrès technique : les smartphones ! Suggérons ici une réforme avec ouverture et compensations. Car, si le gouvernement plie ici, fini sa réforme de l’offre ! S’il ne peut pas imposer l’application de lois déjà existantes face à ce lobby emblématique, les autres réformes, bien plus difficiles, seront étouffées dans l’œuf !
Le cœur du litige : les licences de taxi, qui valent plus de 200.000 euros à Paris. Qu’est-ce qu’une licence de taxi ? C’est une autorisation de stationnement qui donne le droit aux taxis de prendre des passagers à la volée dans la rue ou aux bornes de taxis. Ni plus ni moins. Les licences sont délivrées gratuitement par les maires (à Paris par la préfecture de police). Elles sont revendues très cher par la suite entre taxis. Ce système est féodal : il faut payer pour avoir le droit de travailler.
Pourquoi ces licences sont-elles si chères ? Une partie seulement de l’explication vient de leur rareté. Une autre partie de l’explication est cachée. Je ne l’ai découverte que lors de la commission Attali : la fraude fiscale et sociale. L’activité des taxis est essentiellement déclarative : bien souvent, leurs compteurs n’enregistrent pas les transactions, ce qui permet de sous-déclarer les revenus. Si les licences sont si chères, c’est qu’elles reflètent l’évasion future des taxes et charges sociales.
Comment sortir de la crise actuelle ? Dans une économie de marché, il n’appartient pas aux entreprises déjà sur le marché de définir le niveau de la demande et le nombre de leurs concurrents. L’entrée sur un marché doit être libre, avec seulement des conditions de sécurité ou d’intérêt général. Je suggère ici un plan en quatre points.
Premièrement : restaurer obligations fiscales et sociales, en obligeant les taxis à avoir des compteurs inviolables qui enregistrent automatiquement toutes les transactions, le tout transmis par Internet mobile aux services de comptabilité. Couplé à des contrôles fiscaux, cela devrait faire baisser la valeur des licences (de la moitié ?).
Deuxièmement : émettre beaucoup plus de licences de taxi (avec au moins un doublement sur cinq ans), car il y a de la demande. C’est prévu par la loi, il suffit d’une décision du maire ou de la préfecture de police.
Troisièmement : laisser vivre les VTC, qui développeront une multiplicité de services. Les taxis n’ont aucun droit de les empêcher d’exister. Sinon, il faudrait aussi interdire la télé, qui fait de l’ombre à la radio, Internet, qui bouscule tout le monde, les compagnies low cost, qui font concurrence à Air France…
Quatrièmement : la compensation. Avec les trois premiers points, le prix des licences baissera. Les chauffeurs de taxi ont acheté leur licence en le sachant. L’Etat ne garantit aucunement le prix des licences, d’ailleurs la loi de 1995 lui interdit d’en racheter. Toutefois, on peut considérer que la licence étant un élément de leur patrimoine retraite, les chauffeurs de taxi pourraient être indemnisés s’ils acceptaient une vaste ouverture du secteur. En 2007, j’avais proposé de payer pour réformer, en rachetant les rentes : pour les taxis, le coût était de 4,5 milliards d’euros. Mais, à l’époque, j’ignorais l’ampleur de la fraude fiscale et sociale. Or l’Etat ne peut pas indemniser la fraude fiscale et sociale anticipée. Ma suggestion aujourd’hui est d’attribuer des points de retraite supplémentaires aux chauffeurs de taxi s’ils acceptaient à la fois beaucoup plus de licences et l’arrivée des VTC sans entrave. Le financement se ferait par une redevance de 0,50 euro sur chaque course de taxi ou de VTC.
Dans une France avec 3,3 millions de chômeurs, qui veut demeurer leader mondial du tourisme, pourquoi ne pas multiplier les licences, pourquoi ne pas autoriser les VTC, qui créeraient autant d’emplois et satisferaient les touristes ? Si le président n’arrive pas à ouvrir le marché des voitures de tourisme avec chauffeur (VTC) commandées par smartphone à Paris, plus la peine d’aller en Californie courtiser la Silicon Valley !

Jacques Delpla est professeur associé à l’Ecole d’économie de Toulouse.