Sunday, January 4, 2015

L'impact des aides au logement sur le secteur locatif privé en France

L'INSEE a publié un document en novembre dernier sur "L'impact des aides au logement sur le secteur locatif privé en France". Sa lecture est édifiante. On y apprend notamment que:

- Ces aides représentent un montant de dépenses publiques très important, et en forte croissance depuis les années 70:

"En 2012, les pouvoirs publics ont consacré 15,8 milliards d’euros d’aides personnelles pour les locataires dont 8,1 milliards pour le secteur locatif privé. Les aides au logement regroupent l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de logement familiale (ALF) et l’allocation de logement sociale (ALS - sources et méthodes). L’augmentation du budget de l’État consacré à ces aides est continue depuis la fin des années 1970 et a été particulièrement forte pendant les années
1990 (figure 1). Cette augmentation résulte d’un fort accroissement du nombre de bénéficiaires au début des années 1990 et d’une hausse du montant des aides par bénéficiaire. En 2012, 5,7 millions de ménages percevaient une aide au logement."


- Et pourtant, leur efficacité n'a pratiquement jamais été étudiée!!! Les deux seules études citées pour la France datent de 2002 (Laferrère et le Blanc) et 2005 (Fack). Vu le contexte actuel des finances publiques, il est pour le moins surprenant qu'un volet aussi important des dépenses publiques ne fasse pas l'objet d'une évaluation approfondie et régulière...


- Le document de l'INSEE résume clairement objectifs et effets non recherchés de ces aides:

"Ces allocations ont plusieurs objectifs : limiter le taux d’effort des ménages locataires bénéficiaires ou leur permettre d’accéder à des logements de meilleure qualité, à taux d’effort donné. Néanmoins, ces aides peuvent avoir un effet inflationniste : comme elles permettent à certains ménages d’accéder à des logements de meilleure qualité, la demande s’accentue et peut conduire à une hausse des loyers si le nombre et la qualité des logements ne s’ajustent pas suffisamment. En d’autres termes, une partie du bénéfice de l’allocation des ménages serait alors transférée aux bailleurs. Cet effet inflationniste serait d’autant plus fort que les bailleurs ont la capacité de connaître les locataires éligibles et perçoivent parfois directement ces aides."

- La méthodologie utilisée par l'INSEE pour cette évaluation est la suivante:

"Pour évaluer l’efficacité des aides, il est donc important de quantifier leur impact sur le montant des loyers, sur la qualité et sur la quantité des logements locatifs offerts. La méthode d’évaluation utilisée repose ici sur les discontinuités géographiques dans le versement de l’aide, c’est-à-dire sur l’existence d’un zonage qui affecte le montant des aides versées. Ce zonage a été établi en 1978 et a été très peu modifié depuis.
(...)
 La zone I inclut l’agglomération de Paris et les villes nouvelles franciliennes. La zone II regroupe toutes les agglomérations qui comprenaient plus de 100 000 habitants, les franges de l’Île-deFrance ainsi que quelques agglomérations plus petites et présentant un marché immobilier tendu (par exemple les zones frontalières et côtières) ou durement frappées par la crise des années 1970. La zone III correspond au reste du territoire, c’est-à- dire la grande majorité des agglomérations de moins de 100 000 habitants en 1978. Le montant des aides est plus élevé en zone II qu’en zone III.

Aussi doit-on chercher à mesurer toutes choses égales par ailleurs les écarts de loyers entre la zone II, où les aides sont plus élevées, et la zone III. À cet effet, on comparera donc les agglomérations dont la population est juste inférieure à 100 000 habitants avec celles situées juste au-dessus de ce seuil, en contrôlant des caractéristiques observées des logements et des agglomérations"

- Les résultats obtenus sont

(1) Les propriétaires captent (une partie de) l'aide destinée aux locataires :

"Les résultats obtenus par cette méthode indiquent que les loyers sont significativement plus élevés dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants, suggérant un lien causal entre les aides au logement et le niveau des loyers privés. Cette étude confirme et actualise ainsi des résultats établis en France et dans d’autres pays".

Malheureusement, " La méthode utilisée ne permet pas de calculer la part de l’aide absorbée par la
hausse de loyer."

(2) Ces aides n'ont pas amélioré la qualité des logements:

"Les estimations indiquent que les aides plus importantes dans la zone II n’auraient eu aucun effet sur la qualité des logements locatifs privés, telle qu’elle peut être mesurée dans les enquêtes"

(3) Ces aides n'ont pas augmenté le nombre de logements offerts à la location:

"De même, l’augmentation des aides liée au zonage semble n’avoir aucun impact sur le
nombre de logements locatifs offerts, tel que mesuré par la part du secteur locatif
privé dans la commune. L’effet sur le nombre de logements, et non pas leur part,
est également non significatif."


- Ces résultats sont en fait peu surprenants, et comme indiqués au point (1) ci-dessus ils confirment les études déjà effectuées, en France et surtout à l'étranger.

Ma conclusion: des aides dispendieuses, qui n'atteignent aucun de leurs objectifs fixés, mais qui non seulement perdurent mais coûtent de plus en plus cher aux pouvoirs publics. Mais apparemment, ce bilan calamiteux ne suffit pas à les mettre en cause, même dans le contexte budgétaire actuel. Un beau thème de recherches en économie politique...

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